4.0 out of 5 stars
Brahms en hiver
Reviewed in France on 19 January 2020
Les ultimes pièces pour piano de Brahms (op. 116 à 119) forment un tout, même si ce sont aussi quatre cycles dont chacun a son caractère propre. L’op. 119 n°4 conclut non seulement le dernier cycle, mais également toute la série, et l’œuvre pianistique de Brahms dans son entier. Si chaque cycle, pris à part, a connu de grandes interprétations au disque, un CD qui les réunit les vingt pièces a toujours quelque chose de particulièrement logique et gratifiant.
Le britannique Stephen Hough, qui n’en est pas à son coup d’essai avec Brahms (on se souvient des deux concertos chez le même label Hyperion, pas à dédaigner) s’y essaie à son tour.
Quelle idée se fait-on du dernier Brahms, au fond, à travers cette musique ? Un monsieur âgé (pas tant que ça, en fait) qui écrit des piécettes pour s’occuper ? Un maître apaisé qui polit des miniatures, loin des élans de sa prime jeunesse ? Ou un musicien qui laisse deviner beaucoup quand il en dit peu, doublé d’un homme qui aime toujours autant la vie, même à la fin du jour? De la réponse que l’on choisit dépend la manière dont on réagira à ce disque. Pour moi, les grands interprètes de ces pièces sont ceux qui rendent la complexité émotionnelle, la variété de climats de cet univers, ceux avec qui on perçoit encore l’homme jeune dans l’homme mûr.
En commençant par l’op.117, j’ai trouvé que l’interprétation manquait de caractère. Anna Gourari, dans l’anthologie de son disque Berlin classics (op. 116-119), toujours disponible, s’engage plus, va plus loin, et rend mieux la dimension de « berceuses de mes douleurs », d’ambivalence entre tristesse et consolation.
A la réécoute l’op. 116 est assez emblématique des vertus et des limites de l’approche de Hough : c’est indéniablement bien fait, mais on peut préférer d’autres visions à ce Brahms sobre et amer.
Cette musique n’est pas qu’intimité, intériorité, vie dolente, et par exemple les fragments d’épopée de l’op. 118 n°1 demandent plus d’ardeur, plus d’impétuosité. Pour cet opus, récemment, Sophie-Mayuko Vetter (Hänssler), Maria Gabrys (Ars Produktion, et son beau paysage givré dans l’op. 118 n°6), ou encore Anna Gourari nous ont donné plus (Backhaus est préférable dans son ancienne version pour le 78 tours (réédition Naxos), par rapport à son disque plus assagi en stéréo (Decca). Avec Hough, une belle ligne, mais pas beaucoup d’abandon ni de sensualité (op. 118 n°2), et un rien de sécheresse quand l’élément rythmique prévaut.
Quant à l’op. 119, les trois premières pièces sont un des bons moments du disque, mais pour la dernière, le jeu est dur au début, et le ton de la légende guère présent dans la partie centrale. Rudolf Firkusny (BBC legends) y était plus spontané, et Anna Gourari y est très impressionnante. Pour l’ensemble des vingt pièces, le disque de cette dernière reste préférable à celui-ci.
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